Leur présence dans l’arène politique, surtout au sein des instances de représentation nationale et régionale, est condamnée par certains. Peut-on interdire au cycliste de pédaler !

Leur présence dans l’arène politique, surtout au sein des instances de représentation nationale et régionale, est condamnée par certains. Peut-on interdire au cycliste de pédaler !

Chaque monarque est à la tête d’un « Village ». Lequel, dit le Larousse en ligne, est un « Groupement d’habitations permanentes, dont la majeure partie de la population est engagée dans le secteur agricole. ». Suivant cette définition, ce terme est réducteur et trompeur, pour définir nos réalités. Dans les faits, le Village, à l’Ouest du moins, est un État-nation au sens du site ‘’La Toupie’’, qui en dit que « C’est un État qui coïncide avec une nation établie sur un territoire délimité et définie en fonction d’une identité commune de la population qui lui confère sa légitimité. Ce concept politique est au confluent d’une notion d’ordre politique et juridique (l’État), et d’une notion d’ordre identitaire (la nation). » 

Un État-nation, poursuit le site, se définit par une autorité fondée sur une souveraineté émanant de citoyens formant une communauté à la fois politique et culturelle (ou ethnique). Pour l’UNESCO, c’est un domaine où les frontières culturelles et politiques se confondent. La Nation est l’« Ensemble des êtres humains vivant dans un même territoire, ayant une communauté d’origine, d’histoire, de culture, de traditions, parfois de langue, et constituant une communauté politique. » Elle figure aussi une « Entité abstraite, collective et indivisible, distincte des individus qui la composent et titulaire de la souveraineté. ». L’État, enfin, avec une majuscule, désigne au sens politique une Nation administrée par un pouvoir représentatif ; c’est aussi le gouvernement, l’administration de cette Nation. Au sens juridique, c’est un groupe d’individus établi sur un territoire précis et respectant l’autorité d’un gouvernement. 

Trois constantes marquent donc un État, ou un État-nation : le territoire, la population et le gouvernement. Tout « Village » des Grassfields (aussi petit soit-il) répond à ces exigences, chacun étant établi sur un territoire, ayant une population et un gouvernement. En effet, chaque « chefferie » bamiléké a un Gouvernement. Ce dernier a des ministres dirigés par un Premier ministre ; dans le Koung-Khi par exemple, le PM est appelé Wala Ka (ou Wala d’en haut). Ces villages ont aussi un Parlement (Clans des 9 et des 7) intimement associé à la gestion des affaires publiques. Aussi, le Village (plusieurs sont des Cités-États) est, dans sa nature, est une monarchie constitutionnelle semblable au modèle du Royaume uni. Le nom Royaume, dès lors lui sied le mieux. 

Dans son organisation, la chefferie est un État-nation unitaire décentralisé, qui a concédé une large partie de sa puissance à l’État central républicain. Notons ici que le Cameroun est un agrégat de petits et grands royaumes ; raison pour laquelle les premiers traités furent passés entre les Occidentaux et les Rois locaux. L’État-nation bamiléké dispose d’un certain nombre de monopoles comme l’utilisation légitimée de la contrainte physique pour faire respecter la loi (les Madjong), la collecte des impôts (un tribut est librement payé au Fô). Le Roi, que le colon a nommé Chef pour le déconsidérer, est donc, tout bien considéré, un Chef d’État-nation. Or tout homme d’État est fondamentalement un Politique. Et comme tel, il a deux corps.

Les deux corps du Roi 

Le Roi bamiléké (et mutatis mutandis, tous les autres Rois du pays), comme tout homme d’État en fonction, est par essence condamné à se livrer au jeu politique. Même en tant qu’individu, faire la politique est pour lui un droit. La thèse de Ernst Kantorowitz sur les « Deux corps du roi », aide à comprendre ce fait. Le roi (en minuscule), dit-il, a deux corps : le premier est mortel et naturel. Parce qu’il est naturellement un homme mortel, le roi souffre, doute, se trompe parfois : il n’est ni infaillible, ni intouchable, et en aucune manière l’ombre de Dieu sur Terre comme le souverain peut l’être en régime théocratique. Comme simple individu mortel, le roi a le droit de faire la politique ou pas, en s’encartant ou non dans un parti de son choix.

Le second corps du Roi, Chef et incarnation de l’État-nation, est surnaturel et immortel. Dans le corps mortel du roi vient se loger le corps immortel du royaume que le Roi transmet à son successeur. Telle est la fiction théologico-politique qui fonde le consentement à l’État : elle ne tient nullement à la transcendance, mais à la certitude d’une continuité souveraine de l’institution politique. D’où la formule « Le roi est mort, vive le Roi ! ». Voilà ce qui, par exemple, explique que le roi s’il est chrétien, aille communier à l’église le matin avec son corps mortel, et sacrifier dans la forêt sacrée le soir. Dans le premier cas, il agit en tant qu’individu mortel ; et dans le second avec son corps immortel de Roi, incarnation de l’État-nation et chef religieux. 

En clair, c’est le roi, simple mortel, qui prend sa carte de tel ou tel parti. Le problème est que son acte engage forcément l’Institution royale qu’il représente. De là partent les malentendus.

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